NOIRS

Notre récent travail pour ”ROUGE” comportait des images souvent proches de l’abstraction, mais toujours fondées sur une base réelle : une matière ou des surfaces existantes, identifiables. L’abstraction absolue n’était jamais totalement atteinte, c’était notre choix. Approcher la frontière entre onirisme et réalisme est passionnant et ludique, s’y associent l’imaginaire et le réel, s’y combinent rêveries et origines.
Parce que la lumière est notre pinceau, nous avions envie de continuer à jouer, rêver, chercher encore plus loin…  De percer des trous dans la noirceur.

Vient  NOIRS.

Le noir n’est pas triste ! il est beau parce que par son abnégation, il nous donne à percevoir, à voir et à découvrir la lumière et les couleurs, donc la matière.
Dans notre culture, la relation entre noirs et couleurs n’est pas aussi binaire qu’on serait tenté de le penser. Si le noir absolu absorbe toutes les longueurs d’onde, il se caractériserait par une absence de couleur mais la réalité est toute autre, bien plus surprenante !
Très rarement pur, le noir est indissociable des couleurs.
Il dévoile micro-détails, tendances, influences, si bien que chaque point plus ou moins lumineux nous fait appréhender une ou plusieurs couleurs isolées ou dominantes, parce qu’il s’adosse à la matière, complice de la lumière. A ce titre le noir n’est pas unique, il est fondamentalement multiple.

Mais cette multiplicité reste mystérieuse : on parle volontiers de « noir profond » et curieusement jamais de « noir léger » : s’il est profond, le noir ne serait-il pas aussi un révélateur ?

NOIR ? NOIRS !
Le Noir est l’origine. Dès l’apparition de la lumière et de la matière des noirs différents sont apparus, protéiformes, multiples, sensibles et fragiles.
J’aime autant le Noir qui naît de la privation de lumière que le Noir reflet du non-reflet, sorte d’anti-lumière, qui ne nous parvient pas parce que la matière préfère le garder pour elle.
Deux voies initiatrices qui nous emmènent vers les NOIRS et leurs mondes presque parallèles qu’ils nous font découvrir pour peu que nous y prêtions attention. Alors les NOIRS nous promettent couleurs, lumières et matières, un rai bleu qui se faufile entre des volets, une lueur citadine au-delà d’une colline, une ombre dorée sur un cep, un éclat métallique…
Les NOIRS soulignent, révèlent, nous font prendre conscience de richesses si proches. Magiques, simples, quotidiennes.
Parce que, pour cette recherche, nous avons pris comme point de départ des réalités matérielles ou spatiales, propices à l’imaginaire, on pourra être tenté de reconnaître cuirs, minéraux, chais (Angélus, Clinet, Doisy-Védrines, Tour Saint-Christophe, Ballande &Meneret), route, montagne, eau, feu, mer, étoiles, encre. Mais a-t-on vraiment besoin de ces identifications ? Ce ne sont que des origines.
Des suspensions de temps mis en lumières par les NOIRS…