Ombres
Sans lumière, il n’y a pas d’ombre.
Mais que serait la lumière sans ombre ? Un espace vide de toute matière ?
Ainsi l’ombre serait une forme de reflet de la matière sur une autre matière – une sorte d’entre-deux – Grâce à la lumière. La valeur de l’ombre serait donc due à la fois à la lumière, à la matière qu’elle reflète mais également à la matière qui la supporte. Lumières, ombres et matières, imbriquées en ellesmêmes, fabriquées par elles-mêmes, donneraient corps à la couleur. Aux couleurs. Délicate surprise. Les ombres en révèlent et en soulignent toutes les richesses. En apportant la profondeur nécessaire, elles donnent un sens à la lumière. Donc du sens.
Somptueuse, surprise.
Les ombres sont sensuelles dans la mesure où elles se meuvent, où elles épousent la matière, la couvre et la caresse; elles changent au cours du jour, jamais identiques, elles vibrent au ralenti, s’allongent ou raccourcissent au gré du temps. Les ombres seraient capables de nous émouvoir pourvu que nous leur portions un regard ouvert et attentionné. Dans la gloire que nous portons à la lumière, l’ombre est dans notre culture, de façon surprenante, au mieux le parent pauvre de la lumière, au pire le lieu de nos turpitudes. L’ombre recèlerait-elle toutes nos fautes, toutes nos erreurs, toutes nos mauvaises consciences ? Il faut réhabiliter les ombres.
Curieusement l’idée initiale était de réaliser une recherche sur la chaleur. Mais, d’image en image, il est vite apparu que la symbolisation de la chaleur ne se ferait sans lumière et sans ombre. La matière sans lumière, donc sans ombre, est inerte, imperceptible. Dans le néant. Il devient difficile, à posteriori, de déterminer si une image trouve force à nos yeux pour sa lumière ou par ses ombres tant, parfois, la frontière entre celles-ci est difficile à cerner. D’où ces images, vues, lues, selon l’humeur et les vibrations dégagées, au travers des filtres de notre inconscient comme émanant tour à tour de la lumière, de l’ombre ou de la chaleur. Et de la matière !
Les images présentées ici sont la pure traduction photographique, glanée çà et là, du jeu que se livrent lumières, ombres et matières. Sans artifice ni travail informatique forcené. On y découvre que malgré l’absence systématique de la matière génératrice de l’ombre, celle-ci se prend au jeu et nous laisse libres d’imaginer qu’elles en furent les contours… Simple plaisir de leur découverte, elles sont les reflets, à un instant précis, du regard – sans fin, donc inachevé – porté vers cette alchimie surprenante que forment lumières, ombres et matières.
Cabo de la Nao – Août 2006